La santé animale au cœur de toute la problématique de la sécurité alimentaire

Dr CHENOUF DJELLOUL / Cabinet Vétérinaire Indépendant 

La sécurité sanitaire des aliments ainsi que la santé animale suscitent une attention particulière et une inquiétude croissante à travers le monde. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 60% des pathologies humaines proviennent de l’animal et deux cent (200) maladies animales transmissibles à l’homme (zoonoses), ont été répertoriées. La santé publique est donc liée à la sécurité de l’aliment par rapport à la protéine animale (entre autre), qui elle-même est conditionnée par la santé des cheptels. Pour le consommateur final le risque peut intervenir spontanément à toute étape de la chaîne alimentaire. Nous assistons cependant, à une circulation et à une utilisation non rationnelle et anarchique (sans prescription) de médicaments à usage vétérinaire donnant une voie ouverte à la présence des résidus de médicaments dans les produits alimentaires d’origine animale. Le fait de la viande verte de l’Aid el adha 2017 est une preuve tangible de l’utilisation frauduleuse des substances chimiques. Par ailleurs, les pouvoirs publics enregistrent depuis quelques années une inflation galopante des coûts des médicaments et des produits de traitement à laquelle s’ajoute les frais d’hospitalisation et traitement des personnes infectées par les maladies transmissibles et autres intoxications alimentaires.
L’Algérie est menacée par les maladies endémiques telles que la rage, la tuberculose, la brucellose, la clavelée et les maladies émergentes comme la peste des petits ruminants, la Blue Tongue, la fièvre aphteuse, la new Castle, la grippe aviaire et dernièrement par la fièvre de la vallée du rift (zoonose majeure). Une mauvaise maitrise de ces maladies animales entrainerait des conséquences économiques néfastes (mortalité de cheptel et chute de production). L’élimination ou la maîtrise de ces risques alimentaires à la source nécessite une approche préventive, plus efficace que le contrôle du produit fini, sachant qu’il serait stratégiquement judicieux de cibler les causes pour éliminer les effets qui sont plus difficiles à traiter. Par ailleurs, des produits sensibles et dangereux circulent en toute liberté, exposés et vendus à même le sol dans les marchés à bestiaux, utilisés par les éleveurs en automédication, défiant les lois de protection des cheptels et du consommateur.
La revue et la mise à niveau de l’enseignement de la médecine vétérinaire en Algérie par l’allongement du cursus d’une année voir plus afin de compléter la formation. A ce titre et en 2009, la première conférence mondiale de l’Organisation Mondial de Santé Animale (OMSA ex OIE) dédiée à l’enseignement vétérinaire, a permis d’identifier la nécessité de définir les compétences minimales que doit avoir acquis tout jeune diplômé en médecine vétérinaire pour exercer sa profession dans les composantes tant privées que publiques des Services vétérinaires. La protection de la santé des cheptels dépend largement de l’efficacité des médecins vétérinaires, de leur mobilité et de leur pouvoir d’action à apporter les réponses rapides aux situations d’urgence contre toute menace vis-à-vis de la santé publique dont les services vétérinaires disposent d’un statut de garants de cette dernière. Mais, il est regrettable de constater que le partenaire social représentant la corporation vétérinaire n’a pas été convié à participer aux travaux du comité national pédagogique de la médecine vétérinaire récemment crée par l’enseignement supérieur (arrêté ministériel/MESRS N°659 du 21 juin 2017), afin d’apporter sa contribution à remédier aux lacunes identifiés par les fonctionnaires du terrain et les rendre en adéquation avec la politique agricole.
Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que la meilleure assurance pour la sécurité et la qualité alimentaire n’est garantie qu’en tenant compte de l’ensemble de la chaîne alimentaire, de l’animal vivant aux morceaux de viande et au verre de lait consommés. Pour prévenir tout incident menaçant la santé publique il serait souhaitable de créer une structure des services vétérinaires autonome qui puisse jouer le rôle de puissance publique comme définie dans les orientations des pouvoirs publiques après l’audit de 2009. En effet les Services vétérinaires doivent être en mesure d’appliquer la loi 08/88 du 01 janvier 1988 relative à l’exercice de la médecine vétérinaire et d’exécuter les politiques et les normes qui conviennent d’une manière durable et permanente, aux laboratoires vétérinaires, aux structures d’élevage, aux abattoirs et aux établissements de fabrication, de transformation et d’entreposage des produits alimentaires d’origine animale.
Il est donc temps de dégager les mécanismes d’un contrôle rigoureux de la chaîne de fabrication, de distribution et de l’utilisation des médicaments vétérinaires et renforcer les capacités de diagnostic du laboratoire vétérinaire. Aussi, la moralisation de la profession vétérinaire par la mise en place d’un conseil de l’ordre avec un code d’éthique et de déontologie qui s’impose afin de consolider et concrétiser une véritable politique sanitaire vétérinaire garante de la santé publique, de la santé animale et créatrice de richesse.