Subventions agricoles : Quels effets sur la croissance du secteur ?
«L’inexistence de corrélation entre croissance agricole et soutien public pose la problématique à l’avenir de la capacité future des pouvoirs publics à soutenir ce modèle de croissance agricole, avec des ressources publiques de plus en plus rares et cette double nécessité d’assurer l’efficacité et l’efficience des interventions publiques.»
Le secteur de l’agriculture a une place stratégique dans la politique économique du pays. Un intérêt qui se justifie par la volonté de l’Etat algérien de concrétiser l’objectif de la sécurité alimentaire du pays par une réduction progressive des importations et une consolidation de la production nationale, notamment les produits de base, dont le lait, les céréales et la pomme de terre. Une projection qui se traduit par l’importance de subventions accordés au secteur dans le cadre de la politique du renouveau agricole. Mais, comment assurer une alimentation de manière stable, durable et accessible à tous ? Aussi, «faut-il laisser faire les lois du marché» ou «faut-il intervenir pour apporter les ajustements et assurer une régulation à la marge ?» Si oui, quels sont les instruments, les modalités et les conditions d’efficacité de cette intervention, s’interrogent des experts et spécialistes du secteur de l’agriculture, dans une analyse (cahiers du Cread), sur «Les effets des subventions sur la croissance agricole», qui traite de la période 2000-2018. Sid Ahmed Ferroukhi, enseignant-chercheur (Ecole nationale supérieure agronomique (ENSA), et ancien ministre de l’Agriculture, Mohamed Yazid Boumghar, chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD), et Fouad Chehat, professeur en sciences économiques à l’École nationale supérieure agronomique d’Alger apportent un éclairage à ces interrogations pour confirmer les effets positifs du soutien de l’Etat au secteur. «La mise en œuvre des différents plans de développement de l’agriculture en Algérie (2000-2018) va accélérer, structurer et élargir les mécanismes de soutien, ciblant particulièrement le développement des filières céréales et lait. Ces plans ont pour objectif principal de catalyser l’accroissement de la valeur ajoutée et de la croissance agricole », relève l’analyse dont les «résultats et les données collectées sur les subventions réellement consommées, leur catégorisation, la caractérisation de leur destination finale devraient contribuer de manière objective et rigoureuse à la clarification des débats, suscités aujourd’hui en Algérie, quant à l’utilité et l’efficacité de ces subventions, l’ampleur des ressources publiques mobilisées et à la réponse aux interrogations sur la poursuite et la durabilité même de ce modèle de croissance de l’agriculture algérienne, basé sur le soutien public». Dans ce contexte, on relève que «les mesures de soutien mises en œuvre dans le cadre de la politique agricole en Algérie, au cours de ces deux dernières décennies, ont permis de catalyser la croissance globale du secteur agricole et même le poids du secteur en part du PIB, qui a continué à croitre malgré une évolution significative de la croissance du secteur des hydrocarbures et des services». En contrepartie, ces experts font remarquer que «cette évolution des agrégats sectoriels peut masquer par contre des évolutions hétérogènes et différenciées des différentes filières de production agricole», et « ne permet pas, par ailleurs, de différencier les effets des autres mesures de politiques agricoles (non financières) et des politiques macro-économiques (non agricoles) sur la croissance de la valeur ajoutée agricole». En clair, expliquent-ils, «si l’évaluation par le modèle utilisé permet d’évaluer l’efficacité de la politique agricole menée sur la période (2000-2018) par rapport à l’objectif de «la croissance agricole», elle ne permet pas, par contre, «de mesurer l’efficience des différentes mesures de soutien entre elles : soutiens aux intrants, prix garantis aux producteurs, etc». Ces spécialistes dans le domaine estiment que «cette analyse de l’impact ex-post doit être complétée par «l’évaluation des impacts par rapport au scénario contrefactuel de l’inexistence de ces mesures», ainsi qu’une une analyse comparative avec des économies agricoles similaires, l’analyse des effets sur les facteurs structurels du renforcement de la sécurité alimentaire». Aussi, les résultats préliminaires «ouvrent la voie à d’autres études quant à l’efficacité de ces subventions à analyser à l’échelle des différentes filières ciblées, mais aussi, sur le plan macro-économique tant sur le plan de l’allocation des ressources publiques que sur leur coût d’opportunité par rapport à d’autres secteurs de l’économie».
En conclusion, on retient que «l’existence de cette corrélation forte entre la croissance agricole et le soutien public pose la problématique à l’avenir de la capacité future des pouvoirs publics à soutenir ce modèle de croissance agricole en Algérie, avec des ressources publiques de plus en plus rares et cette double nécessité d’assurer l’efficacité et l’efficience des interventions publiques».
D. Akila