Agriculture: des experts plaident pour une agriculture axée sur les filières stratégiques
ALGER – Des experts ont souligné lundi à Alger la nécessité de développer une agriculture nationale axée sur les produits stratégiques afin de renforcer la sécurité alimentaire du pays et le prémunir des fluctuations des prix des produits sur les marchés mondiaux.
Consacrer davantage de surfaces aux productions de base notamment les céréales, les oléagineux et le sucre dans l’objectif de substituer progressivement la production locale aux importations a été parmi les principales recommandations des experts qui ont pris part à une journée d’étude sur la sécurité alimentaire, organisée par l’Institut National d’ Etudes de Stratégies Globales (INESG).
Dans ce sens, le professeur d’économie agricole à l’Institut agronomique méditerranéen de Montpellier, Omar Bessaoud, qui est intervenu par visioconférence, a affirmé que la sécurité et la souveraineté alimentaires passent par l’optimisation des surfaces destinées à la production des produits de base afin d’améliorer les rendements, tout en tenant compte de l’aspect environnemental.
« Cette démarche nécessite des investissements publics et un encadrement technique au profit des exploitants agricoles et plus d’incitations financières pour développer les projets agricoles locaux », a souligné M. Bessaoud.
Cet agro-économiste a insisté par ailleurs sur l’intérêt de promouvoir davantage les agricultures familiales et les productions vivrières, en mettant en avant le rôle des petits exploitants et leur familles dans l’approvisionnement du monde rural.
Pour sa part, le politologue français, Bertrand Badie, qui est également intervenu par vision conférence a insisté aussi sur le développement des cultures de large consommation.
Ce politologue qui a focalisé son intervention sur la définition du concept de la souveraineté et l’autosuffisance alimentaires, a expliqué que la mondialisation a changé le principe de l’autosuffisance alimentaire car il existe, selon lui, une complémentarité voir une « interdépendance » entre les pays .
La souveraineté n’est plus une autosuffisance mais signifie plutôt la « dignité alimentaire », a-t-il expliqué.
Il a précisé dans ce sens que chaque Etat « dispose de sa propre dignité alimentaire qui signifie: assurer une alimentation saine et suffisante à sa population mais également disposer de sa propre politique alimentaire, garantir la pérennité de sa tradition alimentaire, les cultures propres à sa région e t ses produits de terroir ».
A cet égard, il a dénoncé un « néolibéralisme » qui, a-t-il dit, impose aux pays du Sud de s’aligner sur un système agricole unique dont les conséquences sont souvent « désastreuses » sur l’environnement (surexploitation des sol, extinction de l’agriculture familiale et de l’agriculture locale, disparition de certains espèces animales et végétales).
En somme, la souveraineté alimentaire « ce n’est pas renoncer aux importations mais défendre le système agraire local et soutenir l’agriculture familiale qui est dans l’intérêt de tous car elle contribue à réduire les transports et l’empreinte carbone », a-t-il conclut.
Pour sa part, l’ancien ministre des Finances, Abdelkrim Harchaoui, a évoqué la famine dans les pays du Sahel aggravée, selon lui, par le conflit en Ukraine.
Il a estimé que les populations de ces pays « n’ont pas besoin de ratio alimentaire mais de programmes de co-développement leur permettant de cultiver leur propre terre et de développer leurs filières stratégiques ».
« La famine est essentiellement un problème de sous-développement et la seule manière de lutter contre ce fléau est de mettre à la disposition de ces pays un personnel qualifié et des technologies adaptées à leur climat », a-t-il plaidé.