Filière lait : Gros investissements modeste impact

L’objectif visant la concrétisation de la sécurité alimentaire du pays passe par la mise en place de politiques de développement dans les filières stratégiques, le lait notamment, dont le pays demeure encore dépendant des importations de matières premières destinées à la transformation locale.
Une lourde facture que les autorités du pays tentent vainement de réduire à travers une série de programmes de réformes au niveau de la filière. Cependant, « «aujourd’hui, après tant d’efforts et de budgets, la filière tarde à se défaire de son extraversion et reste indéfiniment assujettie au marché mondial. Ceci est affirmé par la facture substantielle des importations», indique une étude exhaustive sur la filière élaborée par Kousseila Bellil, chercheur au Cread et Moussa Boukrif, professeur (Université de Béjaïa).
L’étude indique que sur la base des «trois indicateurs d’analyse choisis (faute d’accès aux chiffres de la filière) à savoir (augmentation de la production, réduction des importations et les objectifs fixés, notamment la collecte)», il ressort que «l’impact de ces politiques sur la filière est modeste». Aussi, l’analyse du schéma de développement de la filière «dans la durée fait apparaitre plusieurs interrogations», indiquent les auteurs de ce travail.
«En effet, cette dernière a bénéficié d’une masse d’investissements relativement importante, tandis que son taux de croissance reste très modeste, notamment dans les maillons production et collecte». A partir de ces constats, ils concluent que «les différentes mesures incitatives, qui ont été mises en œuvre par les autorités pour promouvoir la production locale, n’ont pas eu l’impact attendu. L’intégration du lait cru dans la transformation industrielle ne représente qu’une infime partie (environ 16% de la production bovine».
L’autre observation mise en avant est qu’«en amont de la filière, l’élevage à vocation laitière n’a pas connu une évolution significative. Il est conduit en hors sol, extensif et demeure peu productif (3200 litre/vache/an) malgré les efforts d’amélioration génétique déployés». Selon cette étude, les raisons d’un tel déficit «peuvent être imputées à la faiblesse de la production au niveau des étables et à l’insuffisance ou à la déficience des politiques mises en place, ainsi qu’aux contraintes économiques que rencontrent les éleveurs (insuffisances de ressources financières)».
Les auteurs de cette recherche expliquent que tous «ces facteurs ainsi que la forte concurrence des activités et cultures à forte valeur ajoutée font que la spécialisation dans l’activité laitière est une stratégie rare, développée par quelques exploitations qui fonctionnent difficilement et connaissent les plus grandes contraintes financières», d’autant plus que «ces élevages de petite taille sont très fragiles et leur pérennité se trouve menacée». Et si aujourd’hui «les entraves au développement de la production au niveau des exploitations sont plus ou moins connues, il n’en est pas de même pour la stratégie globale à mettre en place ainsi que les politiques y afférentes», affirment-ils. Une problématique qui reste posée face à la «dichotomique qui oppose deux logiques paradoxales, une politique de développement de la production locale et une autre de soutien à la consommation». Plus explicites, ils précisent que «la politique actuelle s’apparente plus à une politique alimentaire qu’à une politique de développement de la production locale», tant il est beaucoup plus question de «politique sociale que de politique économique». Le chercheur Kousseila Bellil, et professeur Moussa Boukrif suggèrent, au titre de leurs conclusions, que «dans l’optique de surpasser cette dépendance vis-à-vis de la subvention, il est recommandé de réfléchir à promouvoir la coordination horizontale (coopératives) et verticale entre les acteurs de la filière» dans le but de « permettre aux industriels de mieux contrôler leurs approvisionnements ainsi que la qualité des matières premières fournies, et aux éleveurs d’améliorer leurs revenus grâce notamment à la forme coopérative».
D. Akila

Source : https://www.elmoudjahid.com/fr/economie/filiere-lait-gros-investissements-modeste-impact-12651