P/Sofiane Benadjila

/Ingénieur Agronome (ENSA)

Consultant Indépendant

Nous sommes dans une situation de dépendance alimentaire qui n’échappe à personne. Le pays importe 75% de ses calories alimentaires, autrement dit, il n’en produit que 25%. Nous produisons les besoins alimentaires du quart de la population, soit près de 10 millions d’habitants. C’est-à-dire que notre agriculture est capable de couvrir l’alimentation de la population algérienne de 1962. On peut se demander qu’avons-nous fait depuis près de 60 ans ? Il se trouve que nous avons progressivement abandonné notre souveraineté alimentaire pour une sécurité alimentaire totalement liée aux ressources pétrolières et à leur finitude. Sommes-nous devant une urgence, ou est-ce que celle-ci est déjà derrière nous ?

              Vivant sur une réserve de changes qui tend à s’épuiser, nous serions en cessation de payement fin 2021, pour l’agriculture c’est après demain. Trouver comment nourrir 30 millions d’habitants, quasiment la population de tout un pays, n’est pas du tout évident. Nous sommes face à une équation qui impose une solution très difficile à résoudre. Car il faudra activer les bons mécanismes de production, ceux qui nous permettrons de traverser la crise alimentaire, et développer une politique alimentaire cohérente.

              L’Algérie est amenée à, penser, réinventer, et à construire son agriculture, ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent. Une agriculture qui sera apte à subvenir aux besoins de la population actuelle et de celles de demain. Nous avons hérité de structures de productions faites pour le colonisateur, que les réformes post coloniales n’ont pas réussi à modifier, ou à améliorer. Jusque-là, nous avons tenté d’atteindre le progrès en important des techniques, alors que nous devrions employer notre ingénierie à exploiter les résultats des recherches scientifiques, pour inventer des techniques répondant aux besoins de notre agriculture. Il faudra cesser d’importer des modèles de développements, notre travail de technicien consistera à exploiter le niveau actualisé des connaissances pour mettre en place des modèles de développement qui nous soient propres, économiquement, socialement, culturellement dans le respect de l’environnement. Tenant compte du niveau de connaissance scientifique actuel, nous savons que le système alimentaire mondial n’est pas soutenable (rapport du GIEC du 8 Aout 2019).

              Les formes négatives des externalités de l’agriculture industrielle qui se retrouvent sur les plans, environnemental, social, montrent que cette exploitation des ressources naturelles a dépassé ses limites. L’agriculture de demain ne doit pas s’inspirer des modèles issus de l’agriculture thermo-industriels développés au cours du XXème siècle.

Dans notre pays, les capacités biophysiques des écosystèmes porteurs de l’activité agricole, sont caractérisés par, une dominance d’aridité, de pauvreté des terres en carbone … Il faut considérer aussi qu’en Algérie, la surface de terres agricole par habitant est en deçà des normes mondiales, et qu’il en est de même pour les quantités d’eau mobilisable… Le déclin des ressources énergétiques nous impose une transition énergétique …, qui impliquent un développement sous contraintes.

              Tous ces déterminants sont soumis à une pression humaine qui a retardé sa transition démographique.  Il est donc dans notre intérêt à chercher à développer une agriculture faible consommatrice d’énergie (efficacité énergétique…), qui optimise les rendements des surfaces de production (agroécologie…), efficiente en eau…. Le savoir agronomique d’aujourd’hui, nous laisse penser que seuls les modèles agro écologiques, portés essentiellement par le paysannat, permettent d’optimiser une production alimentaire tout en tenant compte des paramètres de durabilité.