AGRICULTURE

Tout sur le plan spécial 2020-2024

Rendre ses lettres de noblesse à l’agriculture, dans toutes ses variantes, afin qu’elle contribue à l’évolution recherchée du PIB national avec des proportions beaucoup plus en adéquation avec le potentiel existant. Tel est l’objectif final assigné à un secteur qui, à l’instar de tous les autres, s’est doté d’une feuille de route à travers laquelle est consigné tout ce qui doit être entrepris notamment à court terme, voire dans l’immédiat.
Une imposante feuille de route, assortie de données à même d’apprécier la situation actuelle et à venir, et particulièrement le bon qualitatif et/ou quantitatif réalisable à court terme, voire dans l’immédiat pour certaines actions, comme présenté dans le document retraçant les actions projetées entre l’instant présent et l’année 2024. Comme déjà révélé, les axes de développement retenus dans le cadre du programme quinquennal 2020-2024 pour l’agriculture sont au nombre de huit.

Ils portent sur le développement de la production agricole à travers l’extension des superficies irriguées, l’accroissement de la production et de la productivité, l’exploitation rationnelle du foncier agricole, le développement agricole et rural dans les zones de montagne, la préservation, le développement et la valorisation du patrimoine forestier, le développement agricole et rural dans les zones steppiques et agropastorales, le développement et la valorisation dans les territoires sahariens, l’intégration de la connaissance et la numérisation dans les programmes de développement. Des axes qui se déclinent dans cette feuille de route selon une structuration en deux parties : un programme prioritaire pour une réalisation à très court terme, et un programme d’actions à caractère continu à moyen terme.

Des actions urgentes à court terme

Le programme prioritaire qui doit s’étaler de ce semestre et la deuxième moitié de 2021 concernera essentiellement le développement de l’agriculture saharienne, l’extension des superficies à potentiel avéré, le développement des cultures industrielles dans le Sud (maïs, soja, betterave sucrière…) et la création et la mise en action effective de l’Office national de développement de l’agriculture industrielle en terres sahariennes (Odas).
L’autre axe du programme prioritaire a trait au développement des zones de montagne par des actions permettant l’amélioration des conditions de vie des populations et le renforcement des actions de désenclavement par l’ouverture et l’aménagement de pistes agricoles, la mobilisation de la ressource en eau, la plantation arboricole et la création de petites unités d’élevage, notamment à destination des jeunes. Le développement des espèces rustiques, y compris le caroubier et l’arganier, dans les différentes zones agro-écologiques de prédilection (montagnes, Hauts-Plateaux, steppe et Sud) trouve également bonne place dans le plan à mener en urgence, tout autant que l’électrification agricole par l’amenée d’énergie électrique ou renouvelable au niveau des exploitations agricoles et des périmètres de mise en valeur à travers, d’une part, le programme en cours (même si une partie non négligeable est touchée par la mesure de gel), et d’autre part, les exploitations agricoles nécessitant un raccordement, récemment identifiées notamment au sud du pays et ce, suite au recensement lancé en mai 2020. Il s’agira également de travailler dans l’immédiat pour l’exploitation rationnelle du foncier agricole et ce, par la mise en valeur des terres, la sécurisation des exploitants, la simplification et la facilitation des procédures d’accès au foncier agricole et la récupération des terres non exploitées.

La feuille de route, pour les actions immédiates toujours, propose que soit procédé à l’extension des superficies irriguées et la promotion des systèmes économiseurs d’eau, indispensables à l’accroissement de la production et de la productivité, notamment celles des céréales ainsi qu’en matière de gestion rationnelle de la ressource hydrique et d’utilisation de l’irrigation d’appoint, notamment dans les wilayas de l’est du pays.
Le renforcement de la base logistique pour la régulation et la valorisation des productions agricoles, la numérisation, le renforcement du système d’information et la lutte contre la bureaucratie par la simplification et l’amélioration des procédures administratives, et l’accompagnement des professionnels à travers le système coopératif pour une meilleure organisation, figurent également au rang des actions d’urgence à initier.
Dans la partie du programme arrêté pour le secteur de l’agriculture qui doit s’étaler entre ce second semestre et l’année 2024, il est dit dans la feuille de route qu’en premier lieu, il sera procédé à la modernisation de l’agriculture par le renforcement de la chaîne des valeurs des filières végétales, animales, sylvicoles, pastorales et des produits de terroir. Il est également recommandé de travailler pour le renforcement des capacités humaines et de l’assistance technique à destination de tous les acteurs du secteur, cadre ou producteur, par l’amélioration des connaissances, la vulgarisation, l’encadrement technique et scientifique, l’innovation et le transfert de technologies, et enfin la recherche. Aussi, il sera axé sur le renforcement des systèmes phytosanitaires en matière de contrôle, la protection des obtentions végétales, le renforcement des capacités de diagnostic, et la mise en place d’un système d’information des services phytosanitaires ainsi que la lutte contre le criquet pèlerin.


Le renforcement des systèmes sanitaires vétérinaires pour la protection du patrimoine animalier national contre les maladies contagieuses, le contrôle sanitaire des animaux et produits d’origine animale aux frontières, le développement d’un système d’information vétérinaire algérien et de communication, et la mise en place d’un système d’identification des bovins, tout cela constitue également une des grandes lignes de l’œuvre qui sera étalée jusqu’en 2024. Il y a évidemment d’autres questions d’importance majeure ayant requis l’attention particulière des cadres du ministère de l’Agriculture et, donc, consignées dans le plan de travail à accomplir. 

Il est, en effet, question de la préservation durable des ressources naturelles, notamment des eaux, sols à travers notamment la restauration des espaces forestiers et pastoraux, la promotion des énergies renouvelables et les systèmes économiseurs d’eau et la lutte contre la désertification. Le renforcement et l’adaptation continue du cadre législatif et réglementaire, ainsi que l’amélioration de l’accessibilité aux financements et de la gestion des fonds publics, par notamment la mise en place du microcrédit (Crédit mutuel rural), la diversification des institutions financières, le ciblage des soutiens et subventions de l’Etat, la relance de la couverture sociale des agriculteurs et des éleveurs, et la promotion de l’assurance agricole, y compris des calamités agricoles, sont autant de questions sur lesquelles il sera axé.

Objectif : réduire la facture d’importation

Il faut savoir que l’agriculture détient une part dans la valeur ajoutée nationale de 12,4%, alors que si l’on excluait les hydrocarbures, cette part monte à 16,2%, ce qui n’est assurément pas extraordinaire. En valeur, la production a été de 3 496 milliards de dinars en 2019, et 3 281 milliards de dinars, une année plus tôt, soit une croissance d’à peine plus de 4%. C’est dire donc si le secteur agricole a besoin d’être ranimé, ce que propose le plan d’action du gouvernement 2020-2024 qui, entre autres finalités, devrait matérialiser l’objectif de réduire la facture d’importation agricole. Selon les statistiques concernant la période 2015-2019, la facture d’importation des produits de l’agriculture a atteint une moyenne annuelle de 7,4 milliards de dollars répartis entre 57,8% pour l’importation des produits agro-industriels, tels que le blé dur, le blé tendre, le maïs, l’huile de soja, l’huile alimentaire, et les résidus d’huile de soja. En 2019, une baisse de 8%, l’équivalent d’environ 800 millions de dollars, par rapport à la moyenne (2015-2019) des importations agricoles. Une économie de devises due notamment à la baisse des importations des blés (blé dur et tendre), destinés à la transformation. 

 L’importation de blé dur a baissé de 30% en valeur et 19% en quantité, alors que celle du blé tendre a diminué de 5% en valeur et 10% en quantité. Ainsi, au titre du programme prioritaire à court terme, devant conduire à l’amélioration de la production céréalière, les prévisions de production pour 2020 sont de 50 millions de quintaux, alors que l’objectif de production en 2024 vise les 71 millions de quintaux.
Pour les régions sahariennes, 10 variétés de blé dur et 2 variétés de blé tendre ont été retenues, avec des rendements en milieu producteur compris entre 60 et 75 q/ha. Actuellement, 5 variétés sont en production à Ouargla, Adrar et Ménéa. Quant aux semences, la production nationale en 2019 était de 3 millions de quintaux, dont 1,7 million de semences certifiées et 1,3 million de quintaux en semences ordinaires. L’objectif à atteindre en 2024 est de produire 4 millions de quintaux en semences réglementaires, dont 2.5 millions de quintaux en semences certifiées et 1,5 million de quintaux en semences ordinaires, soit une augmentation 32% pour la semence certifiée et de 13% pour la semence ordinaire, tandis que la production des semences de pré-base et de base vise une augmentation de 48%, pour passer de 214 200 quintaux en 2019 à 317 000 quintaux cette année. Des objectifs qui, évidemment, nécessitent le renforcement des capacités de collecte et de stockage des céréales.

Une stratégie pour les cultures industrielles

Le plan d’action du gouvernement a prévu la mise en œuvre d’une politique agricole qualifiée par ses auteurs de novatrice. Elle repose sur l’extension de la surface agricole utile par la mise en valeur de millions d’hectares de terres sahariennes, là où les potentialités naturelles (sol et eau) sont favorables. Il s’agit de développer principalement les espèces végétales suivantes : blés, arachide, soja, tournesol, colza , betterave sucrière, maïs fourrager, maïs grain, triticale, luzerne, féverole, sorgho, bersim, productions destinées à l’affouragement des cheptels. À cet effet, les projets structurants et intégrés seront lancés à très court terme, voire dans l’immédiat. Hormis les cultures déjà engagées dans le Sud (céréales, maraîchages,…), les cultures industrielles stratégiques qui mériteraient d’être développées en terres sahariennes sont les oléagineuses (arachide et soja), et la betterave sucrière, relève le ministère de l’Agriculture. La relance de la culture des oléagineuses (arachide, soja, colza, tourne-sol) viserait, selon les cadres du secteur agricole, à réduire les importations d’huiles brutes et visera aussi, simultanément, une réduction des importations de tourteaux indispensables à la filière avicole.

«Dans le Sud, les résultats obtenus lors des expériences antérieures militent en faveur du choix de l’arachide et du soja comme espèces ayant les plus grandes chances de succès, sous réserve de la mise en œuvre d’itinéraires techniques adéquats et d’une mécanisation maîtrisée », est-il relevé dans la feuille de route à travers laquelle il est rappelé que l’Algérie importe annuellement en moyenne 1 000 000 de tonnes en huiles alimentaires pour couvrir ses besoins, pour une valeur de 583 millions de dollars, et nous importons annuellement 1 446 000 tonnes de tourteaux de soja pour l’alimentation animale pour une valeur de 608 millions de dollars. Aussi, pour couvrir 35% des besoins de l’Algérie en huiles brutes d’arachide et 31% en tourteaux pour l’alimentation animale, 200 000 ha doivent être mobilisés à l’horizon 2024. 

 Le gain en devises à l’horizon 2024 serait de 100 millions de dollars pour l’huile et 26 millions de dollars pour le tourteau d’arachide, estime-t-on.

Un haletant programme, à très court terme, pour répondre aux urgences et un peu plus étalé dans le temps (2024), qui devrait relancer un secteur agricole aux potentialités immenses, et surtout à même d’entraîner dans son développement les autres secteurs, à commencer par un pan entier de l’industrie dont on voudrait doter le pays.

Azedine Maktour