Adhésion à la Zone de libre-échange continentale africaine : Hâter l’intégration économique

«Multiplier par 3 ou 4 le volume des échanges avec l’Afrique.» C’est l’objectif chiffré que s’est fixé le gouvernement Djerad qui entend booster, via l’accord portant Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) – accord entré

en vigueur le 1er janvier 2021 et ratifié par l’Algérie le 5 avril dernier — les échanges commerciaux de l’Algérie avec le continent, qui ne dépassent pas, aujourd’hui, les 3%.

«L’Algérie occupe la 20e place des pays fournisseurs du continent pour une valeur de 2,2 milliards de dollars y compris les produits pétroliers, soit 0,4% du total des importations du continent africain», a déclaré, en septembre dernier, au Conseil de la nation, le ministre du commerce, Kamel Rezig.
S’exprimant lors d’une réunion avec les membres de la commission des Affaires étrangères et de la communauté du Conseil de la nation, Kamel Rezig plaidait, alors, la cause de la Zlecaf, l’instrument d’intégration de l’Union africaine pour la création d’un «marché unique pour les marchandises et les services facilité par la circulation des personnes» conformément à la vision panafricaine d’une «Afrique intégrée, prospère et pacifique», telle qu’énoncée dans l’Agenda 2063. «L’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine permettra de développer le commerce interafricain, à travers la coordination des échanges commerciaux et leur augmentation de 25% et l’encouragement du principe de concurrence en matière d’industrie et d’entreprises», indiquait le ministre. Du Traité d’Abuja, instituant, en 1991, la communauté économique africaine à la Zone de libre-échange continentale, 30 ans se sont écoulés. Le rêve panafricain d’une intégration économique optimum, de prospérité partagée, de co-développement, bute, encore, sur la «faiblesse» des échanges interafricains qui ne dépassent pas actuellement les 16% du total des échanges du continent, alors qu’ils concentrent, selon la Banque africaine de développement, plus de 60% sur les continents asiatique et européen. La BAD note que l’Afrique, avec plus de 1 milliard de consommateurs et un PIB combiné d’environ 3.000 milliards de dollars USD, sera, avec la Zlecaf, «le deuxième plus vaste marché mondial derrière le Partenariat régional économique global en Asie et dans le Pacifique».
«Eliminer progressivement les barrières tarifaires et non-tarifaires au commerce des marchandises», à hauteur de 90%, «libéraliser progressivement le commerce des services» ; «coopérer en matière d’investissement, de droits de propriété intellectuelle et de politique de concurrence»… les 54 Etats africains ayant ratifié l’accord se donnent comme horizon la réalisation de «l’objectif ultime de la Communauté Économique Africaine». Quid des intérêts de l’Algérie ?

«L’asymétrie» des échanges

Les données statistiques des Douanes montrent qu’en termes de répartition des échanges commerciaux (import et export) de l’Algérie par zone géographique au cours de l’année 2019, «l’essentiel des échanges reste toujours polarisé sur les partenaires traditionnels», à savoir les pays de l’Europe avec une part de 58,14% de la valeur globale, soit un montant de 45,21 milliards USD.
Les pays de l’Asie viennent en seconde position avec 23,92% de parts, 18,60 milliards USD. Les échanges commerciaux entre l’Algérie et les autres régions géographiques restent, selon le rapport précité, «toujours marqués par de faibles proportions», 13,95 milliards USD avec l’Amérique, 3,51 milliards USD avec l’Afrique. En outre, les statistiques des douanes analysant les importations algériennes réalisées dans le cadre des AP, les accords préférentiels (dont Accord d’association avec l’UE, Zone arabe de libre-échange, accords préférentiels avec la Tunisie et la Jordanie) durant les onze mois de 2020, confirment la même tendance. Les importations, qui se chiffrent à 6,9 milliards de dollars, sont réalisées essentiellement dans le cadre de l’accord d’association avec l’UE qui s’arroge 84,26 du total des accords préférentiels, avec une valeur de 5,89 milliards de dollars. Pour les importations réalisées dans le cadre de la Grande zone arabe de libre-échange (la Gzale), elles ont atteint les 1,09 milliard de dollars.
La Gzale arrivant en 2e position. Alors que les importations effectuées dans le cadre de l’AP avec la Tunisie inscrivent une valeur de 13,21 millions USD. Quant à l’Afrique, les importations et exportations algériennes représentent, respectivement, 3,24 et 8, 41% du total de ses échanges. «L’asymétrie» des échanges et le «flagrant déséquilibre» dans la balance commerciale inhérente aux accords préférentiels de libre-échange signés par l’Algérie font dire à l’économiste et financier Farouk Nemouchi, qu’il y a nécessité «à tirer les enseignements» de l’adhésion de l’Algérie à ce type d’accords qui transforment «notre économie en débouché à sens unique pour nous partenaires». «Lorsqu’on jette, dit-il, un regard sur les indicateurs du commerce extérieur de l’Algérie, au moment de la signature de ces accords, on est tenté de nous interroger sur les motivations réelles de cette décision et il faut se poser les questions suivantes : quelle a été la valeur ajoutée de ces accords ? Est-ce que notre économie est prête aujourd’hui à entrer en compétition avec d’autres pays en s’engageant dans des Zones de libre-échange ? N’est-il pas plus opportun de créer au préalable une structure de production nationale ?». Dans une étude réalisée en 2010 pour le compte de la fondation Frederik Ebert, le Pr Nechida Bouzidi analyse l’expérience algérienne de coopération et d’intégration économiques régionales. Du Comité permanent consultatif maghrébin en 1964 à l’Union du Maghreb Arabe UMA, en 1989, à la Grand zone arabe de libre-échange (Gzale, 2009) et l’Union pour la méditerranée (UPM, en 2009), en passant par l’Accord d’association avec l’Union Européenne en 2001.
«Il est vrai, conclut-elle, que beaucoup de pays membres de ces différents accords d’intégration régionales ‘’ne jouent pas le jeu’’, mais les relatifs échecs de tous ces processus ne semblent pas préoccuper outre mesure». L’histoire des tentatives de coopération et d’intégration économique régionales avec ses voisins du sud comme ceux du nord de la méditerranée laisse la professeure d’économie apparaitre un «manque de détermination» à s’engager résolument dans de tels processus. «Est-ce l’histoire du pays soumis trop longtemps aux agressions coloniales… ou bien est-ce une incompréhension des enjeux qui expliqueraient cette attitude frileuse ?», s’interroge-t-elle.
Mohand Aziri

Source : https://www.elmoudjahid.com/fr/economie/adhesion-a-la-zone-de-libre-echange-continentale-africaine-hater-l-integration-economique-10276

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